Les Nouveaux Millésimes du Mas de Libian 

Mas de Libian - Nouveaux millésimes 2022

" Chers amis,

Quelle année !

Comment résumer ce millésime ? Peut-être que le sentiment dominant après ce que la Nature a vécu est l’inquiétude. Nous avons très nettement le sentiment d’avoir encore franchi un palier, et nous ne reviendrons pas en arrière. Finalement 2003, ce n’était pas si terrible comparé à 2022, il y a toujours pire…. Nous avons repris nos notes et en 2003 il avait fait chaud, très chaud mais pas aussi longtemps et surtout il avait plu ! Alors que cette année la sécheresse a commencé dés l’hiver 21-22. Ceci a certainement permis l’incroyable résilience de la végétation : en effet, sans eau hivernale ni printanière la plante a dû développer des racines profondes immédiatement ce qui lui a permis de chercher le peu d’eau disponible.

La dernière pluie (35 mm) a eu lieu à la mi-avril, puis rien... Une sécheresse doublée d’une chaleur précoce. Imaginez : cet été il faisait toujours + de 35°C mais surtout moins de 10% d’humidité (c’est l’équivalent du désert) Il faisait chaud le jour, la nuit et pas un seul petit nuage à l’horizon. Même les arbres de garrigue sont morts, c’était apocalyptique ! Mais, voyons le côté positif : je peux vous assurer que la vigne peut vivre et produire du raisin sans irrigation ! Et ça, c’est vraiment une excellente nouvelle, car l’eau va manquer il faut l’économiser et la réserver pour abreuver les humains et les animaux (sauvages ou domestiques) ainsi que pour les cultures indispensables à notre survie (maraichage par exemple).

Pour aller plus loin, je peux aussi affirmer qu’une jeune plantation du printemps qui n’a connu que la pluie de la mi- avril a pu pousser et se développer sans irrigation ! Et ce plantier-là ira loin car il sait affronter l’extrême sécheresse. Mais tout ceci a des conséquences : les vendanges ont commencé le 04 aout et fini le 29 aout : pas un seul jour de vendanges en septembre, mais avec une pluie miraculeuse à la mi-août ! Alors, je ne veux plus entendre les climato-septiques ! Nous avons une récolte assez abondante sur les rouges, en revanche les raisins blancs ont plus souffert, et nous ne produirons que le tiers du volume de l’année dernière. Et dernière mauvaise nouvelle : l’espèce de sirocco qui a soufflé sur notre secteur a brulé la majeure partie des fleurs d’olivier. Il n’y aura pas d’huile d’olive à la vente cette année….

Un des rares avantages de vieillir est l’expérience. Et nous avons beaucoup appris depuis 2003. Nous nous sommes également adaptés à ce réchauffement climatique, l’agronomie, les sols, les vignes, la façon d’aborder la date de récolte, de vinifier.... Nous avons rencontré de belles personnes, nous avons appris à écouter, à remettre en question ce qui semblait incontournable, gravé dans le marbre, nous nous sommes trompés, nous doutons, nous sommes inquiets, nous savons que rien n’est acquit, que le pire est toujours possible mais que la Vie est un MIRACLE ! Et les vignes nous l’ont bien prouvé cette année, car avec les raisins qu’elles nous ont offert nous avons pu faire de bien jolis vins. Alors, oui, le millésime est l’exact opposé de 2021, nous n’avons pas acidifié (ni rien du tout) et malgré tout ils ont trouvé une forme d’équilibre, les degrés ne sont pas délirants, et les arômes ne sont pas cuits. Les vins sont agréables, vivants et tellement touchants ! Je ne peux les gouter qu’avec attendrissement : malgré toutes les épreuves les vignes ont su protéger, préserver la Vie ! Les Mères sont héroïques !

Nous sommes profondément en désaccord avec les directions prises par l’agriculture en général et la viticulture en particulier. Je ne veux pas, ici, vous infliger des considérations trop techniques et bien spécifiques. Mais nous croyons réellement que l’agriculture doit se faire plus résiliente, plus économe, plus respectueuse de son environnement, plus diversifiée. Si l’intelligence est la faculté d’adaptation, alors il est impératif d’être intelligent et de ne pas s’enfermer dans nos cépages d’AOP, ne pas refuser de faire « remonter » des vignes plus sudistes, ne pas continuer à penser que les parcelles côté nord sont moins qualitatives et ne pas s’entêter dans des solutions court-termistes, etc....

Famille Thibon-Macagno"