INTERVIEW DOMAINE PATRICK BAUDOUIN
Rencontre avec Patrick Baudouin et Paul Barbazanges, vignerons au domaine Patrick Baudouin
Le domaine...
1920 : installation au domaine de Maria et Louis Juby, arrière-grands-parents de Patrick Baudouin
1990 : retour de Patrick Baudouin au domaine
13 hectares
Vignes âgées de 10 à 70 ans
80% de la production en chenin
1997 : arrêt de désherbant
2001 : arrêt des intrants
2005 : domaine labéllisé en BIO
2017 : travail effectué e, partie avec les chevaux et pâturage de moutons dans les vignes
Depuis 2008 : le domaine travaille avec une équipe ESAT (Établissement ou Service d'Aide par le Travail pour les personnes handicapées), 1 emploi pour 1,5 hectares
Engagement avec la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux)
Échangeons...
Quelle est votre vision, la particularité et ce qui vous a conquis dans le terroir d'Anjou Noir ?
Patrick
L’Anjou noir : c’est la moitié ouest de l’Anjou, qui est sur le massif armoricain. En particulier la mince bande de coteaux nord loire, avec Savennières, et juste au sud de la Loire, en face de Savennières, la zone très particulière des Coteaux du Layon, avec les paysages classés de la Corniche angevine. On est sur une diversité géologique incroyable, qui s’étend sur 300 millions d’années, du précambrien au carbonifère, avec des schistes très variés, des roches volcaniques, une vraie mosaïque de sols au sein d’une même parcelle, une grande diversité d’expositions, de paysages, un vrai régal de terroirs.
C’est vraiment un territoire à part.
Paul
Bonne question ! C’est vrai, pourquoi donc s’installer dans une région où il y a si peu de Gamay ? Je ne connaissais pas véritablement les terroirs d’Anjou avant de rejoindre le domaine, et c’est plus le travail et les vins de Patrick qui m’ont attiré dans la région ! Mais j’ai rapidement été conquis par les paysages du Layon, la douceur du climat et le retour au travail en coteaux que j’avais découvert en Auvergne. Et je me rends compte aujourd’hui que j’ai finalement professionnellement parcouru une bonne partie de la Loire, depuis la Loire Volcanique en Auvergne jusqu’au Muscadet en passant par Amboise et Chinon ! Chaudefonds sur Layon, au cœur de l’Anjou Noir, est un point de chute cohérent, non ? Et si vu de Saint-Bonnet le Froid, la région vous parait un peu plate, venez donc grimper à vélo avec moi sur la corniche angevine !
Quel(s) atout(s) représente(nt) les terroirs volcaniques chez vous et dans le monde ?
Patrick
Il y a une grande diversité de roches volcaniques chez nous. Des roches magmatiques, spilites d’origine basaltiques, aux roches effusives, cinérites, cendres volcaniques sédimentées. Ce sont des terroirs assez ingrats pour les cultures autres que la vigne. Mais pour les vignes, cela donne de faibles rendements, des sols compliqués à travailler, des reliefs, et ce que nous cherchons, des vins de structure, de garde, de gastronomie, qui allient, quand on vendange à maturité, une belle tension structurante avec de la largeur, de la matière. Des vins peu courants, à part.
Paul
Tous les connaisseurs s’accordent à dire que les sols volcaniques, quels qu’ils soient et où qu’ils soient, confèrent aux vins du caractère. Reste à savoir lequel ! Si le basalte – d’Auvergne ou d’ailleurs ! - est connu pour donner des notes poivrées, il me semble que nos terroirs de cinérite (souvent mêlées de schistes qui sont le socle de l’Anjou Noir ) nous apportent plus une texture de bouche particulière qu’un style aromatique. Le chenin y trouve une colonne vertébrale longue mais solide, minérale, salivante, sur laquelle se pose une chair délicate. À condition de récolter des raisins bien mûrs, évidemment… Les vins du domaine, élaborés sur des coteaux aux sols vivants que nous travaillons partiellement au cheval quand les conditions le permettent, témoignent de cette singularité.
Vous êtes porte-parole du chenin, pourriez-vous nous dire en quoi ce cépage vous fascine, quels sont ses atouts ?
Patrick
Je cherche depuis 30 ans à comprendre ce cépage, particulier lui aussi puisque 90% de sa surface plantée en France est entre la Touraine (Vouvray Montlouis) et l’Anjou. Ce que j’ai fini par penser, en faisant du vin d’abord, mais en même temps grâce à ces recherches, au travail avec des historiens, des ampélographes, des scientifiques, la création d’une Académie du chenin, la tenue de Congrès, c’est que s’il est quasi exclusivement là, c’est par ce qu’un professeur de Montpellier, Jean Michel Boursiquot, a appelé sa versatilité, ce que les vignerons appellent sa mixité de production : il fait partie de très rares cépages à pouvoir nous offrir, (si on le respecte !) de grands vins de terroirs aussi bien secs, demi-secs, liquoreux. Par exemple, sur la même parcelle de quarts de chaume, nous pouvons proposer de grands liquoreux de botrytis, de grands secs de gastronomie. C’est là aussi un cépage magique, vraiment à part.
Paul
Je pense que nous sommes porte-parole du chenin parce qu’il est porte-parole de l’Anjou ! Par son absence d’exubérance aromatique, justement, par sa droiture et sa pureté, le chenin est sans doute le meilleur révélateur de terroir : bien vinifié, c’est à dire sans artifice technique et récolté mûr, il ne prend jamais le pas sur le lieu où il naît. Et quel autre cépage dans le monde, à part peut-être le riesling, peut produire avec autant d’élégance, en fonction des terroirs et des millésimes, des vins blancs secs, demi-secs et liquoreux d’une telle concentration ? C’est magique !