Petite histoire autour du

beaujolais nouveau

La grande messe du Beaujolais Nouveau approche. Annoncé désuet par certains, il n’a pourtant pas fini d’agiter le petit monde du vin. Au diable les rabats joies, chez Marcon on aime bien le côté convivial de ce rendez-vous annuel. Une excuse peut-être pour passer la soirée avec les copains et une fois par an goûter aux grattons lyonnais du Domaine Joubert. Il existe des bons Beaujolais Nouveaux et c’est souvent une occasion de mettre en avant les vins de cette région qui méritent bien un coup de projecteur.

Petit tour des questions entendues en cave… De quoi vous permettre de briller dans les dîners en société ce troisième jeudi de Novembre.

Pourquoi parle-t-on de vins primeurs ?

Ici, rien à voir avec les légumes.

D’abord, on parle d’acheter des «vins en primeurs» dans le Bordelais : ce sont des grands crus que l’on va vendre avant même que le vin ne soit terminé. Quant aux « vins primeurs », ce sont les vins de l’année commercialisés avant le 15 Décembre de leurs années de récolte. On pense souvent au Beaujolais Nouveau, la grande star du sujet, mais on propose des primeurs dans beaucoup de régions viticoles: en Côtes-du-Rhône, dans les Pyrénées Orientales avec le Muscat de Noël, etc…

Depuis quand buvons-nous du Beaujolais nouveau ?

Si la tartiflette a permis au reblochon de conquérir les tables, le Beaujolais Nouveau a donné un nouveau souffle à la région. En effet, après la Seconde Guerre Mondiale, le vignoble peinait à vendre son vin. Sous la pression du syndicat viticole (et notamment du négociant Georges Duboeuf), une appellation fût créée en 1951. Concernant sa date de sortie, il aura fallu quelques petits réglages. Entre 1951 et 1967, elle n’est encore pas fixe. Entre 1967 et 1985, elle est imposée le 15 Novembre. La date de sortie officielle sera finalement fixée au troisième jeudi du mois de Novembre à partir de 1985.
Quant à la célèbre phrase « le Beaujolais nouveau est arrivé », nous la devons au roman de René Fallet sorti en 1975. Un film éponyme suivra en 1978 avec une distribution qui laisse aujourd’hui un peu rêveur : Jean Carmet, Michel Galabru, Pierre Mondy ou encore Michel Blanc…


Dans le Beaujolais, y’a que le Nouveau qui compte ?

Mais non !!! Bien au contraire. C’est sur ce sujet que le débat est grinçant dans la région ; le primeur donnerait une mauvaise image du vignoble. Ce dernier représente un tiers des volumes. On trouve ensuite les Beaujolais, Beaujolais Villages ainsi que dix crus (Brouilly, Chiroubles, Chénas, Côte-de-Brouilly, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin-à-Vent, Régnié et Saint-Amour). De très beaux vins qui méritent qu’on s’y intéresse tout au long de l’année. 48 % des volumes de Beaujolais nouveau sont bu à l’étranger avec dans le peloton de tête, le Japon et les États-Unis. Ces pays sont friands de ce rendez-vous, c’est l’esprit jovial qui séduit, la « french touch ». Décalage horaire oblige, ce sont les japonais qui tous les ans sont les premiers à déguster le nouveau millésime.

Qu’est que la macération carbonique ?

Derrière ce nom barbare se cache une technique typiquement beaujolaise.
Il n’y a pas de foulage et d’égrappage avant la fermentation, les raisins sont encuvés en grappes entières. Une vendange manuelle est donc obligatoire. La fermentation se déroule à l’intérieur des baies, dans une atmosphère pauvre en oxygène et riche en gaz carbonique (anaérobique). Dans ce cas-là, ce sont les enzymes qui vont faire le travail des levures. Par la suite s’opère une fermentation alcoolique traditionnelle.
Cette technique favorise les arômes primaires (le fruit, le fruit, le fruit !). En fait, le plus souvent il s’agit d’une macération semi-carbonique, utilisée pour l’élaboration des primeurs mais également pour certains vins de garde. Elle n’est pas réservée qu’à cette région. La viticulture nature est adepte de la méthode et le célèbre Jules Chauvet l’a recommandé car elle permettrait de ne pas utiliser de soufre durant la vinification.

Il a le goût de banane cette année ?

Pour répondre à cette question, il faut avant tout parler du rôle des levures. Tout un article sur le sujet serait nécessaire pour vous expliquer en détail leurs fonctions et leurs utilisations. Pour faire court : sachez que comme l’avait mis en évidence Pasteur, elles sont indispensables pour faire du vin. Elles permettent la transformation du sucre en alcool, mais elles sont également révélatrices d’arômes. L’œnologie moderne a permis d’empêcher l’action néfaste de certaines levures et de favoriser les atouts de certaines d’entre elles. On parle de levures indigènes (présentes naturellement dans la peau du raisin) et de levures exogènes (élaborées en laboratoire).
Parmi les arômes classiques des vins issus de la macération carbonique, on trouve les saveurs dites « amyliques » (bonbons anglais, banane…), c’est donc logique de retrouver ces notes aromatiques dans le Beaujolais Nouveau. Cette particularité fût renforcée par l’utilisation fortement répandue de la levure 71B entre 1990 et 2000, dont l’une des caractéristiques est de donner des arômes de banane. Cette pratique a eu tendance à « uniformiser » le goût du Beaujolais Nouveau et si la réputation persiste, l’approche actuelle est bien différente.

On doit boire le Beaujolais Nouveau dans la semaine de sortie ?

Les vins primeurs ne sont pas des vins de garde. On aime leur côté acidulé et très fruité. Les mois suivants sa date de sortie, les arômes évolueront mais comme pour le fromage, ils ne se périment pas.

On vous souhaite à tous un très bon Beaujolais Nouveau ! Avec ou sans primeur, n’hésitez pas à déguster les vins du Beaujolais. Profitez de ce rendez-vous pour célébrer la convivialité du vin (si besoin était de vous le rappeler) !

Terminons sur ces jolis mots de René Fallet

Et le Beaujolais nouveau arriva. Et du Nord au Midi, comme tous les 15 Novembre, un printemps d’affichettes bleu ciel, rouges, oranges, vertes, fleurit aux vitrines des débits de boissons pour annoncer aux passants mornes que le petit Jésus des vins était né.