NOUS LAISSONS LA PAROLE À CHRISTOPHE...

Être ardéchois, c'est faire corps avec les châtaignes ?

En effet, le département est le premier producteur de châtaignes. Le châtaignier a depuis des millénaires déposé son empreinte sur le paysage local. Ici, on l'appelle "l'arbre à pain" tant il a été indispensable pendant plusieurs siècles à la population locale; du bois des berceaux aux outils pour travailler, sans oublier bien sûr la dégustation de son fruit, qui a sauvé de nombreuses familles de la famine. Star locale, la châtaigne est partout et plus encore dans ma famille où elle est mise en avant depuis plus d'un siècle pour fournir les restaurateurs et les pâtissiers mais aussi les tables familiales et tous les gourmands.

Vous êtes tombé dans "les marrons" depuis tout petit ?

Tout à fait, j'incarne la troisième génération de la Maison Sabaton. Mes arrières grands-parents tenaient un hôtel-restaurant où Paul Roch, un de leur fils cuisinier, a commençé à proposer des plats et conserves de fruits et champignons à emporter. Il a remporté un vif succès. Inventif, il lance sa première confiture de marron en décembre 1909 et démarre la fabrication de marrons glacés, dont les premières boîtes seront vendues dès 1911. C'est en 1953 que Paul prend la suite de son père. Il investit dans de nouveaux équipements et renforce l'art du confisage avec la volonté de satisfaire les exigences des pâtissiers-chocolatiers, toujours plus nombreux à apprécier les produits Sabaton. C'est ainsi qu'entre 1985 et 1989, nous avons trouvé le moyen de réaliser des écorces d'oranges confites en lamelles, produits devenus très rapidement une référence de qualité chez les chocolatiers.

HISTOIRE SABATON

Un changement au tournant du siècle ?

Après avoir fait mes classes dans différents ateliers, je deviens directeur en 1989. Le manque de place sur le site historique de Labégude, qui devenait de plus en plus important, nous déménageons en 1998 à Aubenas. Nos machines sont installées dans un bâtiment contemporain de 8.000 m2 organisé en espaces spacieux et cloisonnés, et pouvant accueillir entre 50 et 130 salariés selon la saison. En 2019, nous avons inauguré un nouveau site dédié à la réception des fruits, permettant de privilégier la châtaigne d'Ardèche AOP.

Quel est votre plus gros défi ?

Être toujours en éveil. Avancer, moderniser, créer tout en respectant les valeurs essentielles de la maison familiale. J'ai vraiment le coeur à valoriser la châtaigne d'Ardèche en soutenant la production locale ancestrale. D'ailleurs, tous les acteurs de la fillière se concentrent aujourd'hui sur la reconquête des châtaigniers avec le plan "Châtaigneraies Traditionnelles". L'objectif est de répondre à la demande croissante en Châtaigne d'Ardèche AOP, en rénovant les vergers délaissés et en plantant de nouveaux arbres. Cela va permettre d'accroître les surfaces d'exploitations insuffisantes à ce jour.

Chataigne sabaton

La châtaigne ardéchoise est donc la meilleure ?

Évidemment, j'en suis convaincu. Mais attention, il n'y a pas une mais des châtaignes aux attraits différents. Depuis 2014, une appellation d'origine protégée (AOP) distingue les châtaignes d'Ardèche. Une distinction qui correspond à la démarche "qualité" que nous avions mise en place dès les années 1990, pour nous garantir un approvisionnement en châtaignes d'une qualité irréprochable. Parmi les 65 variétés reconnues, seules quelques-unes sont sélectionnées pour les marrons glacés, grâce à leur calibre, leur aptitude à l'épluchage et leur qualité gustative, à l'instar de la Comballe, la Bouche Rouge ou la Sardonne. Travailler avec la Châtaigne d'Ardèche AOP est un véritable gage de qualité pour obtenir un marron glacé digne de ce nom.

Élaborer des marrons glacés est un art ?

On peut dire cela ! Déjà qui imagine qu'entre la récolte et le moment où on le croque, le marron a subi pas moins de 20 manipulations délicates. C'est tout ce savoir-faire, fruit de nombreuses années d'expériences, qui fait la différence. Après la récolte, il faut sélectionner les calibres, les éplucher en les débarassant soigneusement de leur deuxième peau, emmailloter les fruits deux par deux dans un voile de tulle qui les maintient entiers. Vient alors la cuisson et le confisage au sucre, le dépliage manuel, puis le glaçage avant de les emballer dans cet habit d'or qu'on aime tant défaire !

Marrons glacés sabaton

Quel est votre meilleur souvenir de châtaigne ?

Je ne m'imagine pas passer un automne sans flâner sous les châtaigniers et profiter du merveilleux spectacle des bogues qui tombent au sol; improviser un rôtie au retour d'une balade, ou s'émerveiller des magnifiques couleurs automnales de nos monts d'Ardèche. Mais j'aime aussi l'odeur gourmande des châtaignes mêlées au sucre et à la vanille qui émane de l'atelier lors des journées de confisage.